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[REPORTAGE] Baie de Hann : La dépollution, l’espoir des populations

[REPORTAGE] Baie de Hann : La dépollution, l’espoir des populations
[REPORTAGE] Baie de Hann : La dépollution, l’espoir des populations
28 mars 2022

Les populations de Hann attendent, avec beaucoup d’espoir, la réalisation du projet de dépollution de la baie pour la reprise de la belle vie qui, naguère, se menait autour de ce littoral très attrayant à l’époque. 

Jadis attrayante, la baie de Hann, longue de 14 km, est dépouillée de son apparat. Son rayonnement se conjugue au passé. Sa beauté s’est éclipsée. Son visage est horrible. Elle est devenue un dépotoir à ciel ouvert et reçoit toutes sortes de déchets, ménagers comme industriels. 80% des industries du pays sont installés dans la zone. Elles rejettent leurs eaux non traitées dans la mer. Poissons pourris, sachets en plastique, résidus de bouteilles, récifs de pneus sont, entre autres, les déchets qui jonchent le sable devenu noirâtre à cause de la sévérité de la pollution. Ce qui n’est pas sans conséquences néfastes sur la santé des riverains, mais également sur l’activité économique qui s’y développe, notamment la pêche. Le lundi 29 novembre 2021, le quai de pêche de la baie de Hann est très animé. Il est pris d’assaut par les vendeurs de poisson venus s’approvisionner auprès des piroguiers qui viennent d’accoster. Visiblement plus nombreuses, les dames, certaines assises sur des seaux ou bassines, attendent patiemment, supportant, malgré elles, l’odeur fétide qui embaume l’atmosphère et attaque les fosses nasales des visiteurs. Un vent sec fouette les visages. Des porteurs proposent leur service aux dames, moyennant une somme d’argent. Des camions frigorifiques, tous vides, sont stationnés tout au long de la baie attendant de faire le plein.

Assise sur un seau, Khady Sarr contemple les vagues qui déferlent malgré l’environnement nauséabond. Vendeuse de poissons de son état, elle mène cette activité depuis deux décennies. Native de Yarakh, elle fait partie des personnes qui ont connu la baie au moment de ses années de gloire. Et elle s’en souvient comme si c’était hier. « Nous ne sommes plus à la période où il suffisait de se baisser pour ramasser des poissons. Cette baie était très jolie, mais elle est devenue crasseuse à cause de la pollution. Ce sont surtout les usines qui ont empiré la situation », dénonce-t-elle avec regret. Toutefois, elle nourrit l’espoir que le projet de dépollution de la baie de Hann, dont les travaux sont en cours, va lui redonner son lustre d’antan.

À quelques pas d’elle, se trouve Mansour Mbaye, casquette bien vissée sur la tête, des écouteurs enrôlés à son coup. Des dorades et des pageots ornent le décor de son étal. Supportant le vent et l’odeur infecte, il attend les acheteurs. Interpellé, il reconnaît que leur activité ne marche plus comme auparavant. « La baie n’est plus fréquentée par les touristes qui y venaient nombreux à cause de la pollution. Ce lieu ne vaut plus rien. Nous prions pour que les travaux de dépollution se terminent vite afin que nos activités se développent davantage », déclare-t-il. Retrouvé sous une tente de fortune érigée sur les lieux, Saliou Diouf, coordonnateur des mareyeurs du quai de pêche de Hann, a, à l’instar des autres, déploré les conséquences engendrées par la pollution de la baie. Selon lui, à cause de la pollution, les poissons ont fui les côtes de Hann depuis plusieurs années. « Maintenant pour avoir du poisson, il faut aller en très haute mer », informe-t-il avec désolation. Pour lui, seule la dépollution de la baie pourra leur permettre de remettre leur activité sur les rails. « Le projet est certes lent, mais il est tout notre espoir pour la reprise de nos activités. Si cette baie est polluée, nous ferons tout pour l’entretenir et la protéger », rassure-t-il. En effet, si la pollution de la baie a pris des proportions inquiétantes, c’est en grande partie à cause des usines implantées aux alentours, mais aussi des populations autochtones qui y déversent toutes sortes de déchets ménagers. Résidente de la zone, Fatou Fall plaide pour l’accélération des travaux « afin qu’on puisse respirer de l’air pur et profiter de la brise la mer ». Selon elle, toutes les familles interdisent à leurs enfants de se baigner dans la mer pour éviter des maladies de la peau devenues nombreuses dans le village. « Nous ne vivons plus. Nous ne respirons pas de l’air pur et nous ne profitons pas des brises de la mer. Nos enfants ne se baignent plus dans cette mer polluée et insalubre. Sinon, ils risquent d’être malades », souligne-t-elle, tout en réitérant son vœu de voir la baie être dépolluée au grand bonheur de la population.

28% des travaux réalisés en 12 mois, selon le cabinet de contrôle 

Sur le terrain, les travaux de dépollution de la baie de Hann ont démarré aux alentours et dans certains quartiers. Alassane Dieng, coordonnateur du projet de dépollution de la baie de Hann à l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas), confie : « Nous sommes dans la première partie qui concerne le collecteur qui longe la baie pour collecter les eaux des réseaux secondaires. C’est ce chantier qui été lancé en septembre 2020 par le Ministre de l’Eau et de l’Assainissement, Serigne Mbaye Thiam. Même si les travaux ont démarré timidement du fait de la pandémie de Covid-19 qui a fait que l’entreprise avait des difficultés pour mobiliser ses équipes, Alassane Dieng assure que le chantier a finalement démarré le 28 janvier 2021.
Responsable du cabinet de contrôle des travaux de la dépollution de la baie de Hann, Alain Merlin Roucheux confirme que les travaux sont en cours sur le collecteur principal. Pour ce chantier, il explique qu’on « longe donc Hann Marinas et on finit à la Sar à Mbao où sera construite une station d’épuration ». L’intercepteur sera long de 14,8 kilomètres. Il est prévu six stations de relevage. Sur une distance prévue de 14.800 mètres pour cet intercepteur, Alain Merlin assure que les 4.268 mètres sont déjà réalisés. Sur les regards à installer, tous les 50 mètres, sur le collecteur pour permettre à l’exploitation et l’entretien, sur les 300 regards prévus, les 54 sont réalisés.
Globalement, révèle le contrôleur, « on a réalisé 28% des travaux en 12 mois ». Pour ce lot 1, le cabinet de contrôle précise qu’il reste encore un délai de 12 mois. « Normalement, les travaux doivent être exécutés pour le mois de septembre 2022, mais on n’est pas à l’abri d’un dépassement éventuel du délai. Tout est une question technique. On veut que les travaux soient réalisés dans les règles de l’art », explique M. Roucheux.
Quant au lot 2, il concerne la station d’épuration dont le marché vient d’être adjugé à l’entreprise, informe le coordonnateur du Projet de dépollution de la baie de Hann. « On est également en cours d’adjudication du volet émissaire en mer, c’est-à-dire le collecteur qui va transporter les eaux qui seront collectées, traitées et rejetées en mer grâce à cette émissaire de 3 kilomètres », soutient Alassane Dieng. Sur ce, Alain Merlin Roucheux fait noter que tous les effluents vont aller dans cette station. C’est à partir de la station d’épuration que toutes les eaux collectées seront traitées. Globalement pour tout le projet de dépollution de la baie de Hann, il y a 5 lots.

Un système de prétraitement avec les industriels 

Le coordonnateur du Projet de dépollution de la baie de Hann à l’Onas, Alassane Dieng, de rappeler qu’initialement, celui-ci visait principalement les industries. « L’objectif premier, c’était de restaurer la qualité des eaux de la baie en arrêtant tous les rejets industriels qui arrivaient sur le littoral de Hann. Pour cela, nous avons pris contact avec les industriels qui rejetaient à la baie et qui payent une taxe de pollution. Maintenant ce que nous allons faire, c’est de les raccorder », a expliqué M. Dieng. Pour cela, il prévient qu’il faudra que ces industriels fassent des systèmes de prétraitement pour que les eaux qu’« ils vont rejeter dans notre collecteur soient admissibles ». Pour ce faire, l’Onas avait signé un protocole en 2010 dans lequel toutes les industries qui sont au sein de l’Union des prestataires des industriels et des commerçants du Sénégal (Upic) s’étaient engagés à accompagner le projet. Quant au Directeur général de l’Onas, Ababacar Mbaye, il espère que d’ici à 2024, un système d’assainissement adéquat sera en place pour que la baie soit plus propre.

Quelques difficultés 

Le chargé du contrôle des travaux, Alain Merlin Roucheux, reconnaît, cependant, que l’entreprise rencontre des difficultés parce que le terrain étant proche de la mer, il y a des soucis avec la nappe, « ce qui ralentit beaucoup les travaux ». « Il faut des équipements très spécifiques qu’on appelle système de rabattement de la nappe et de grandes planches en acier pour essayer de bloquer l’arrivée de l’eau. Comme ce sont des contraintes sécuritaires et techniques, on avance doucement en bord de mer ». Il y a aussi les contraintes relatives aux travaux de l’Ageroute non réceptionnés ou qui sont sous garantie qu’on ne peut pas toucher sans leur accord. Cependant, avec l’engagement des différents acteurs et l’expérience du terrain, « l’entreprise s’imprègne davantage et cela va l’amener à respecter son contrat ». Au terme des travaux, l’essentiel, dit-il, est que « la baie va retrouver sa qualité de vie nautique ». Il invite, cependant, la population à se remette un peu en cause pour ne pas reprendre les mauvaises habitudes.

 

ALASSANE DIENG, COORDONNATEUR DU PROJET DE DÉPOLLUTION DE LA BAIE DE HANN : « On a introduit le principe pollueur-payeur pour la pérennité des ouvrages » 

Le 25 septembre 2020 à Dakar, les travaux de dépollution de la baie de Hann ont été lancés, notamment pour le premier lot. Grâce à un partenariat entre le Sénégal, la Chine, la France, les Pays-Bas, entre autres, (100 milliards de FCfa de coût total), la baie de Hann, qui faisait partie des plus belles plages du monde, pourra retrouver sa splendeur. Le coordonnateur de ce projet à l’Onas, Alassane Dieng, indique que les travaux se déroulent correctement sur le terrain même s’il y a des difficultés liées au déplacement des personnes affectées. 

Où en sommes avec le projet de dépollution de la baie de Hann dont les travaux ont été lancés en septembre 2020 ?

La dépollution de la baie de Hann est un emblématique projet initié par le Président de la République dont les travaux ont été lancés en septembre 2020. Ce projet comprend trois composantes pour la réalisation. Il y a une station d’épuration qui sera construite à Mbao avec un émissaire pour évacuer toutes les eaux traitées en mer. La collecte des eaux se fera par un collecteur de transport qui va longer toute la baie. Il y aura aussi des réseaux secondaires qui seront implantés à l’intérieur des quartiers pour collecter également les industries, ainsi que toutes les eaux usées qui seront drainées par le canal 6, etc. L’objectif du projet est vraiment d’améliorer le cadre de vie des populations et de restaurer surtout la qualité des eaux à la baie de Hann qui faisait partie des plus grandes et belles baies du monde, après celle de Rio de Janeiro. Les travaux se déroulent correctement sur le terrain même si on a des difficultés qui sont liées au déplacement des personnes affectées. Nous travaillons en zone urbaine et il y a souvent des difficultés de déplacement. Mais les tuyaux sont en train d’être posés de même que les regards. Il y aura un émissaire de trois kilomètres qui va rejeter les eaux traitées en mer. Cette eau sera traitée et peut même être réutilisée pour l’arboriculture, etc. Mais, on a décidé de la rejeter en mer en attendant de voir avec le Service des eaux et forêts de Mbao quelles sont les possibilités de réutilisation.

Qu’est-ce qui a changé concrètement sur le site ? Quel sera l’impact de ce projet pour les populations ?

On peut dire que les travaux sont en cours. Les engins sont sur place en train de poser les tuyaux. L’impact de ce projet sur la vie des populations sera vraiment important. La plupart des ressources des populations qui vivent autour de la baie proviennent de la pêche. Par ailleurs, dans cette zone, la nappe phréatique est affleurante, ce qui fait qu’il y a des vidanges fréquents des fosses, qui coûtent cher aux populations. À l’issue du projet, le cadre de vie des populations sera fortement amélioré, les revenus des populations qui s’adonnent à la pêche seront améliorés, de même que les revenus des restaurants qui sont dans les environs avec le tourisme qui pourra être relancé. Cela a fait que les populations qui sont dans les environs comme le village de Thiaroye-sur-mer, qui n’étaient pas suffisamment intégrées, demandent à ce qu’on restructure leur village pour leur permettre de se raccorder.

Est-ce que le principe pollueur-payeur sera appliqué ? 

Pour dire vrai, je pense que le concept pollueur-payeur est appliqué pour assurer la pérennité des ouvrages. L’impact des rejets domestiques n’est pas si important que ceux industriels. Dans le cas des rejets industriels, le coût de traitement, de transport est presque multiplié par deux voire par trois. Donc il faudra nécessairement un effort assez important des industriels pour accompagner le projet et la pérennité des ouvrages. C’est pour cela qu’on a introduit cette redevance complémentaire, que nous appelons principe pollueur-payeur, pour que les industriels puissent s’acquitter d’une redevance pour la pérennité des ouvrages. Ils sont d’accord pour cet objectif. Maintenant, on est en train de faire les textes pour essayer d’inviter d’abord les industriels à se raccorder puisque la taxe de pollution doit être augmentée pour inviter les gens à se raccorder sur le réseau. Deuxièmement, on va faire une redevance industrielle parce qu’il y a actuellement une redevance domestique liée aux quantités d’eau. Maintenant, il y a aussi une redevance qui prendra en charge le polluant que la station d’épuration va traiter. Le principe pollueur-payeur sera appliqué et il est déjà accepté par les industriels. Nous sommes en train de faire une étude avec les industries pour voir comment les accompagner pour réaliser les systèmes de prétraitement à l’intérieur des industries. Les industriels vont mettre des installations pour enlever certains polluants qui ne sont pas admissibles dans le collecteur. Nous allons le faire pour l’ensemble des industriels. Une ligne de crédit sera mise en place pour permettre aux industriels d’accéder au financement pour l’installation d’ouvrages de prétraitement. Après cela, on va signer avec les industriels une convention de raccordement.

Source: 
LE SOLEIL